Sujet :

L'anamorphose du regard

Tao
   Posté le 11-11-2008 à 20:48:50   

Je me réveille comme tous les matins, les sourcils froncés, le cheveux en bataille, le geste lourd.
Comme tous les matins d'hiver, je capte chaque particules de lumière, don que j'ai depuis l'enfance, pour me diriger sans allumer une lampe.
Je mets la cafetière en route, et ce n'est qu'au bout de quelques minutes que je m'aperçois que j'ai oublié de mettre le café.
L'eau chaude le matin, c'est juste bon pour me raser, me laver les dents (car je suis un être fragile et délicat), et me doucher.
Mais nous n'en sommes pas là.
J'allume le micro, m'étonnant de cette couleur inhabituelle signalant soit un virus, soit une fatigue définitive et coûteuse de l'écran.
Comme tous les matins, mon chien me suit du regard, attendant patiemment le signe de la promenade.
La conscience vient peu à peu, lentement, inexorablement.
La conscience, puis l'évidence: je ne suis pas celui que je suis. Je suis un martien.
Un étranger. Allochtone plus de moi-même que des autres, finalement.
Le malaise qui m'habite (de cheval) est terrifiant.
Une certitude s'impose à moi: je dois retrouver celui que je suis. Je suis quelque part, là, tout près!
Etrange amnésie… serait-elle volontaire? Fut-elle une sauvegarde face à un danger? Une fuite?
Comment admettre d'être autrement?
Mais… depuis combien de temps suis-je quelqu'un d'autre? Enfin, pas tout à fait moi?
Question obsédante, qui me tue le réveil.
Je rassemble mes souvenirs, les mets en paquets de cinq, puis de dix, et rien d'évident n'apparaît.
Je ne suis pas moi-même depuis très longtemps… si longtemps que je me demande si je fus un jour, un seul moi-même.
Il ne s'agit pas d'une différence entre mon esprit et mon corps… non… mon corps est ce qu'il est, et j'ai appris à m'en satisfaire avec bonheur.
Mon esprit semble être duel.
Une cacophonie plutôt qu'une stéréophonie.
J'accepte sans complexe ma part de féminité. Il ne s'agit pas non plus de cela.
J'accepte avec fierté ce côté macho qui me vaut tant de conquêtes.
Alors quoi, par saint Couillebeau !
Une vérité se fait jour: nous sommes une somme, parfois une moyenne de variables: émotions, vécu, appris, culture, gènes… les variables… varient, bien sur! Et nous transforment continuellement.
L'anamorphose de notre masque est perpétuelle, continuelle. Nous ne pouvons nous baser sur une constante, mais sur plusieurs.
Notre regard agit comme un système optique imparfait, tantôt flou, tantôt taché, mais jamais irréprochable.
Qui peut prétendre se connaitre.
Qui peut se penser constant?
Dana
   Posté le 13-11-2008 à 17:32:09   

Tao a écrit :


Qui peut prétendre se connaitre.
Qui peut se penser constant?


Personne si ce n'est peut-être le sage... Certains, éternels béats diront que c'est un bien, je vois pas tellement pourquoi ? D'autre que c'est dommage... Je vois pas non plus...

La constance implique la durée... "ceux qui meurent sur les saisons" disait Rimbaud je ne sais plus pourquoi...

Et bien chaque jour est la durée moyenne... pourquoi pas... Je varie mais la durée de mes jours ne varie pas et je ne m'étonne plus d'être inconstante car c'est prévu, je connais, mais ce qui compte avant tout c'est mon jour que je n'ai pas le temps de connaître...



Parfois j'aimerais que ce que je dis soit vraiment vrai